Impact de l’exploitation de la mine de Kiruna

Mini conférence de Celtill lors de la soirée du 16 mai

Introduction
Bonjour à toutes et à tous. Aujourd’hui, je vais vous parler de l’impact de l’exploitation minière de Kiruna, dans le nord de la Suède, sur la population autochtone sami. Cette mine de fer, l’une des plus grandes au monde, fait vivre une mutation profonde du territoire et de la vie des Samis, contraints de concilier leurs traditions pastorales avec les enjeux économiques et industriels.

1. Contexte et historique de la mine de Kiruna
Création et extension
La mine de Kiruna a été ouverte en 1898 par la Société minière suédoise LKAB. Depuis plus d’un siècle, elle fournit une part conséquente du minerai de fer européen, avec un rendement annuel supérieur à 25 millions de tonnes. Pour exploiter les gisements, l’entreprise creuse de gigantesques galeries souterraines, nécessitant une infrastructure ferroviaire et énergétique conséquente.

2. Relocalisation de la ville de Kiruna
Origine du projet et enjeux
À partir des années 2000, l’affaissement progressif du sol — causé par l’extraction en sous-sol — a mis en péril les bâtiments situés au-dessus des galeries, menaçant la sécurité des habitants. Face à cet enjeu, la municipalité et LKAB ont lancé un vaste plan de relocalisation urbaine, plus grand projet de ce type en Europe.
Étapes et calendrier

  1. Études préliminaires (2008–2012) : évaluation géotechnique, choix du nouveau site à environ 4 km à l’est, et premières consultations publiques.
  2. Conception et planification (2012–2015) : dessin du nouveau centre-ville, intégration d’infrastructures modernes (école, centre culturel, logements) et définition des zones à déplacer ou démolir.
  3. Phase de relocation (2016–présent) : déménagement progressif des habitations et des bâtiments emblématiques : l’hôtel de ville (inauguré en 2022 sur le nouveau site), l’église de Kiruna (réinstallée pierre par pierre) et des quartiers entiers.
    Dimension sociale et culturelle
    Le transfert concerne plus de 3 000 habitants. LKAB achète les propriétés, finance les déménagements et assure l’indemnisation selon un barème national. Toutefois, cette opération soulève des tensions :
  • Adaptation au nouveau site : certains habitants regrettent le charme du vieux centre, ses commerces de proximité et son lien historique avec la mine.
  • Impacts sur les Samis : les zones de pâturage traditionnelles sont morcelées ; des familles sami-eleveuses doivent désormais franchir de plus longues distances pour atteindre leurs terres, augmentant les coûts et la fatigue des animaux.
  • Participation samoise : malgré des consultations, beaucoup estiment que leurs connaissances du terrain n’ont pas été suffisamment prises en compte pour déterminer l’emplacement des nouveaux quartiers. Les lieux sacrés et les anciens sentiers migratoires ne figurent pas toujours dans les plans officiels.
    Techniques et aménagements
    Pour limiter l’empreinte au sol, les bâtiments sont construits sur pieux profonds et dotés de systèmes de surveillance continue des mouvements du sol. Des corridors naturels (bosquets, talus) sont aménagés pour maintenir la continuité écologique, mais leur largeur reste jugée insuffisante par les éleveurs pour le passage des troupeaux en migration.

3. Impacts environnementaux
Biodiversité et pâturages
L’extraction modifie durablement le paysage : déforestations autour des cratères d’effondrement, création de remblais et perturbations hydrologiques. Les parcours des rennes sont fragmentés, et la qualité des pâturages chute, notamment en hiver, lorsque les lichens, indispensables à l’alimentation, sont plus difficiles à atteindre sous la neige.
Pollution
Les rejets miniers contiennent des particules fines et des métaux lourds. Ces polluants peuvent se diffuser dans les cours d’eau, menaçant la santé des rennes et des humains, ainsi que la pêche traditionnelle.

4. Impacts socio-culturels
Mobilité et traditions
L’allongement des trajets entre les campements d’été et d’hiver impose aux éleveurs sami des journées de route plus longues. Cela fatigue les troupeaux, augmente les risques sanitaires et complique la transmission des savoirs traditionnels aux plus jeunes.
Économie et inégalités
Si la mine offre des emplois bien rémunérés, peu de Samis y accèdent à des postes qualifiés, faute de formation adaptée et de maîtrise du suédois standard. La plupart restent dans l’élevage, souvent moins rentable, creusant un fossé économique avec les non-autochtones de Kiruna.
Mouvements de défense
Pour faire valoir leurs droits, les Samis ont multiplié les actions juridiques (notamment devant la Cour de justice de l’Union européenne) et manifestent leur présence culturelle (festivals, gardiens de pâturage). Ces initiatives visent à renforcer la reconnaissance de leurs traditions et à obtenir une meilleure protection juridique de leurs terres.

5. Perspectives et solutions possibles
Renforcement de la consultation
Appliquer de manière stricte la Convention 169 de l’OIT pour une « consultation libre, préalable et informée » ; c’est la clé pour intégrer les savoirs samoises dès la phase de planification.
Aménagements écologiques ciblés
Élargir et verdir les corridors de migration, recréer des zones de lichens et reboiser avec des espèces locales pour restaurer progressivement les pâturages.
Partage des bénéfices et formations
Créer un fonds de développement spécifiquement dédié aux communautés sami, avec financement d’infrastructures (routes, cliniques vétérinaires mobiles) et de programmes de formation aux métiers miniers et à la gestion d’entreprise artisanale (artisanat, tourisme).

Conclusion
En conclusion, la relocalisation de Kiruna, indispensable pour la sécurité des habitants, a des conséquences majeures sur le mode de vie sami. Si l’exploitation minière reste une source de prospérité nationale, elle ne doit pas se faire au détriment d’une culture millénaire. Seule une approche concertée, alliant expertise technique, respect des droits autochtones et partage équitable des retombées économiques, permettra un développement réellement durable dans cette région arctique. Merci de votre attention.


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Commentaires

Une réponse à “Impact de l’exploitation de la mine de Kiruna”

  1. […] Celtill est revenu sur le cas de la mine de Kiruna qui menace la ville d’effondrement et force son déplacement qui lui-même menace les rares terres encore accessibles aux saamis pour l’élevage de rennes.  […]

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