Nous sommes les kisikus, branche aînée du groupe local de Clermont Ferrand des Eclaireuses et Eclaireurs Unionistes de France.
Nous préparons un projet fabuleux pour cet été : aller à la rencontre des Saamis en Scandinavie, dernier peuple autochtone d’Europe, autrement appelés “Lapons”.
Nous avons eu la chance d’interviewer Marie Roué, directrice de recherche émérite du CNRS, spécialiste française des Saamis.
Suivez cette interview en 9 épisodes pour découvrir ce peuple, sa culture et ses enjeux.
Chaque semaine un nouvel épisode !
Épisode 9 : Que pourrait nous apporter la culture saamie ?
Joseph : Selon vous, qu’est-ce que leur culture pourrait t’apprendre à la nôtre ? Qu’est-ce qu’on gagnerait à échanger avec eux ? Qu’est-ce qu’ils pourraient nous apporter ?
Marie Roué : Prenons l’exemple des éleveurs et des pêcheurs : ce sont des groupes particulièrement affectés par le changement climatique et par l’arrivée d’espèces invasives. Dans l’Arctique, où je me rends ces dernières années, les pêcheurs sont très proches de la Russie. Or, la Russie a introduit des espèces de saumons venues du Pacifique, qui, bien sûr, ne s’arrêtent pas aux frontières : la mer est un espace ouvert, et ces espèces arrivent jusqu’en Norvège.
Avec la hausse des températures — janvier et février de cette année ont été les plus chauds jamais enregistrés, avec très peu de glace dans les mers arctiques —, les écosystèmes souffrent énormément. C’est un problème de long terme sur lequel j’ai beaucoup travaillé.
Mais ce qui est intéressant, c’est de voir que les peuples autochtones, qui ont su garder un lien fort avec leur environnement, arrivent malgré tout à faire face. Quand on leur demande comment ils s’adaptent, ils répondent souvent : « Si le changement climatique était notre seul souci, on saurait s’en sortir. » Leur vraie difficulté, ce sont les réglementations, les infrastructures, les routes, l’urbanisation, tout ce qui vient perturber leur mode de vie.
Ils sont, par nature, nomades ou semi-nomades. Leur capacité à se déplacer, à s’adapter, à utiliser différentes ressources leur permettrait de survivre à bien des bouleversements. Mais dans un monde sédentaire, on a du mal à comprendre cette logique. On attend d’eux qu’ils exploitent une ressource, à un endroit fixe, à un moment précis — sans prendre en compte les saisons, le climat, ou la dynamique de leur culture.
Finalement, ce ne sont pas seulement les questions environnementales qui posent problème, mais aussi et surtout les politiques et les choix de société. Pourtant, malgré toutes les épreuves, ces peuples existent depuis des millénaires et continuent de faire vivre leur culture, de façon bien actuelle. C’est cette force sociale qui est admirable.
Manu : Très clair. Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez accordé, et pour tous les savoirs que vous nous avez transmis.
Marie Roué : Avec plaisir. Si vous voulez aller plus loin, il faut lire. J’ai publié beaucoup de choses, et si vous tapez mon nom en ligne, vous trouverez plusieurs ouvrages — déjà parus ou à paraître.
Je vous conseille en particulier « Moi et les autres », et le livre d’Eline Labat, très touchant. Elle n’est pas ethnologue, mais elle cherche à comprendre son propre passé, un passé souvent tu dans les familles, comme c’est le cas après des drames. Et c’est à travers cette quête qu’elle nous raconte l’histoire. Les gens lui parlent avec plus de poésie, de sincérité, car elle vient d’eux, parle leur langue, comprend leur culture. Ce qu’ils ne feraient pas avec un étranger.
Donc oui, lisez les Saamis. Allez dans les musées — même si vous ne pouvez pas toujours deviner qui est Saami ou pas, il y a souvent des personnes Saamis qui y travaillent. Et puis, vous apprendrez aussi beaucoup en discutant dans les cafés, ou même dans les stations-service.
Manu : Encore merci pour tout. Et merci aussi pour votre aide dans notre projet, on part à la rencontre des Samis cet été !
Marie Roué : Bonne chance alors.
Tout le monde : Merci, à bientôt.
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